Marion Cousin & Eloïse Decazes

Marion Cousin et Eloïse Decazes sont musiciennes, chanteuses et amies. Depuis quelques quinze années, chacune en ses diverses incarnations (Catalina Matorral / Arlt) et compagnonnages (notamment Gaspar Claus, Kaumwald, Borja Flames pour l’une, Eric Chenaux, Delphine Dora, Julien Desailly pour l’autre) s’échine avec ses propres moyens, son propre caractère, à faire avancer conjointement, fût-ce en crabe, la chanson d’auteur et la chanson sans auteur – qui lui est contraire mais pas ennemie – les musiques traditionnelles et les musiques expérimentales.

Pour la première fois en duo, elles donnent leur version amoureuse, fruste, hérétique du répertoire vernaculaire du Trás-os-Montes, pays du Nord-Est du Portugal. Chapardé parmi les collectages gravés naguère sur les beaux disques « Chants du blés et cornemuses de bergers » (Ocora) « Anthology of Portuguese Music – Volume one : Tras-os-montes »  (Folkways)  ou plus récemment sur « Mirandun, Mirandela – Chants et musiques du Concelho de Miranda do Douro » (La Talvera), c’est un bouquet de chants de travail, de fête ou d’exaspération donnés en un idiome régional souple et plastique, le mirandais – ici semi-phonétique et joueur – et à deux voix fausses-jumelles.

Initié primitivement par Marion Cousin dans le cadre d’une série de relectures du répertoire populaire de toute la péninsule ibérique dont Com a lanceta na mão est déjà le troisième épisode, voilà un album qui déborde un peu son projet initial et s’inscrit dans la discographie de chacune de ses deux autrices à la fois comme une suite logique et une sortie de route émancipatrice, un nouveau départ. En effet, elles y apparaissent plus libres, drôles, frondeuses et inventives que jamais.  Un album pas docte pour un sou, nullement confit dans un respect excessif pour son objet (un territoire, un répertoire) mais qui l’étreint amoureusement, en épouse chaque relief, en escalade les drôles de modes et les singuliers tempéraments avec des outils bricolés maison, des instruments pas prévus pour, une gamme étendue de dérèglements, d’expérimentations facétieuses, un sens de l’accident et de l’improvisation, une façon de jouer qui fait que la vie passe partout, fiévreuse et têtue et où beauté pleine et humeur vache, gravité et brusques stridences de joie, légèreté et intensité ne se contredisent pas. 

Publié conjointement sur trois labels Pagans, Le Saule et La République des granges, Com a lanceta na mão est un disque qui va très bien à chacune de ces maisons, célébrant à chaque instant les noces ivres mortes de la musique traditionnelle et de la chanson expérimentale, en un geste vandale et zutique héritier du post-punk et doté de voix de sirènes qui ne s’en laissent pas conter.

Florian Caschera

→ Intw sur ‘Hémisphère son’

FORMATION:
Marion Cousin : chant, synthés, guitare, effets, piano
Eloïse Decazes : chant, synthés, bulbul tarang, concertina, flûte à coulisse, magnéto cassette, piano

Coproduction : Murailles Music, CERC – centre de creacion musicau, GMEA – Centre National de Création Musicale d’Albi, L’Inconnue, Le Périscope.

Avec le soutien du CNM, et la DRAC des Pays de la Loire.